Qu’est-ce que le réel ? Procède-t-il de la raison ou du hasard qui, au bout du compte, fait sens ? Avec philosophie, François Gremaud explore notre rapport au réel en usant de la joie comme puissance d’agir, de l’idiotie comme être au monde et de l’étonnement comme vecteur de connaissance. Plasticien de formation, l’auteur-metteur en scène et acteur suisse développe avec la 2b company, depuis bientôt vingt ans et plus de vingt pièces, une œuvre iconoclaste et humaniste qui désaxe les coordonnées perceptives et représentatives du réel.
Défendre sur les scènes contemporaines un art aussi intelligent que divertissant se situe à la croisée de ce que d’aucuns ont un jour étiqueté « savant » et « populaire ». Suivant les considérations de Bertolt Brecht qui écrit dans La Vie de Galilée que « penser est l’un des plus grands divertissements de l’espèce humaine », François Gremaud signe des spectacles et des expérimentations burlesques qui, par le sensible, donnent à penser. Un art fondé sur le plaisir du jeu, sur l’humour et la joie, cette « force majeure » intime et politique selon le philosophe Clément Rosset, qui pourrait « contenir tout le tragique du monde ». Une singularité qui met en application la notion d’idiotie définie par ce même philosophe et que l’historien et critique Jean-Yves Jouannais pose comme fondement d’un art capable de réinvention, distancié de son propre savoir. Seul, en collectif (GREMAUD / GURTNER / BOVAY et SCHICK / GREMAUD / PAVILLON) ou en duo avec Victor Lenoble, c’est au sein de la 2b company fondée à Lausanne en 2005 avec Michaël Monney, que l’artiste élabore une œuvre que l’on pourrait qualifier d’oulipienne tant elle repose sur un système renouvelé de contraintes formelles, canevas d’une recherche actorale, chorégraphiée, musicale, plastique. Ce théâtre aussi intuitif que méthodique reconfigure le connu et le jugement pour engendrer d’autres rapports de langages, d’autres relations avec l’altérité, qu’il s’agisse d’une personne, d’une croyance, d’une pensée.
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