C’est une pièce qui montre, dans une pièce, un groupe qui répète une pièce de théâtre. Et lorsqu’une pièce se joue, d’autres pièces, irrésistiblement, se jouent. En scrutant ce que les strates du langage relatent, GREMAUD/GURTNER/BOVAY invite à voir ce qui, humainement, se joue.
Tiphanie Bovay-Klameth, François Gremaud et Michèle Gurtner interprètent un comédien et deux comédiennes travaillant à une pièce, ou plusieurs pièces même, dans une seule et même pièce. Mais ce que ces figures donnent à croire n’est pas exactement ce que l’on voit. Et c’est là, dans ces troubles, que surgit l’inconscient par lequel agissent ces gens, que se révèle le système qui régit ce groupe social. La situation est ainsi le prétexte de mises en abyme où le langage – à travers ses tics et ses lacunes – autorise une fiction pour imaginer un autre réel possible. Depuis dix ans, le trio exerce une méthode concrète : à partir d’une idée, il réalise des improvisations filmées dont la sélection fait l’objet d’un travail rigoureux de reenactment. Sans rien ôter des impuretés langagières, ils composent une double partition dissociant le texte du geste. Entre écriture automatique et cadavre exquis, la narration s’ébauche et s’ouvre aux interprétations du spectateur. Proche d’une entreprise oulipienne ou dadaïste, poétiquement engagée, plus intuitive qu’intellectuelle, leur démarche repose sur l’observation des gens et de ces « amateurs » qui font ce qu’ils aiment, même dans le tragique. GREMAUD/GURTNER/BOVAY cherche, dans le banal, la beauté du saugrenu.