Depuis bientôt dix ans, Lorraine de Sagazan trace un sillon singulier en tant qu’autrice et metteuse en scène. Un sillon qui creuse l’épaisseur de l’existence à travers l’imprégnation mutuelle du réel et de la fiction. Qu’elle adapte des œuvres du répertoire ou co-écrive des textes dramatiques à partir de témoignages collectés, elle veut créer la possibilité d’une rencontre, dans l’instant même de la représentation. Tentant ainsi d’approcher le cœur, « l’âme » dit-elle, de l’auteur, de l’acteur et du spectateur.
Lorraine de Sagazan signe un théâtre « extra-vivant » qui repose sur la relation. Un théâtre qui se relie à son histoire, au présent, à son devenir ; à celui qui l’écrit, qui l’interprète, qui le reçoit ; au réel et à la fiction qui le fondent et le dépassent. Un théâtre performatif qui pose comme acte celui de rencontrer, c’est-à-dire, comme l’autrice et metteuse en scène le définit : « aller vers quelqu’un qui vient vers soi ». Son théâtre fait du regard le vecteur non seulement de sa condition mais aussi de son élaboration, de son dispositif. Au centre de sa recherche, elle met le spectateur, à la fois sujet qui regarde et objet d’observation. La place du spectateur définit le cadre et met au défi l’acteur, également regardé et regardant. Elle est d’une génération née dans les années 1980 qui interroge les héritages individuels et collectifs, les déterminismes socio-politiques, l’intimité prise dans les rouages systémiques et la place des idéaux. Avec son fidèle groupe d’acteurs et de créateurs, elle a créé à ce jour sept pièces qui trament un parcours artistique commun mais aussi, pour chacun, un cheminement intime. De 2015 à 2019, elle réalise un premier cycle « initiatique » dit-elle, dédié à l’adaptation de fictions du répertoire dramatique abordant la définition de soi au sein du couple, de la famille, de la société, explorant l’espace de jeu et l’endroit du spectateur. Le second cycle qu’elle ouvre en 2020 se tourne vers la co-écriture de fictions théâtrales qui prélèvent du réel des témoignages et portent sur les notions de réparation, cherchant ce qui est vivant et persiste, même au-delà de la mort.
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